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Immigration : le préfet de Guyane recadre Le Figaro après un article jugé "sensationnaliste"

Après la parution, d’un article du Figaro titré « Les services de l’État sont débordés : la Guyane, porte béante de l’immigration illégale en Europe », le préfet de Guyane a publié une longue mise au point pour dénoncer des chiffres faux et des descriptions « dépréciatives ».

  • Par: adminradio
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Le 4 novembre 2025, le quotidien national Le Figaro publiait un article signé de notre confrère Jean-Marc Leclerc et titré : « Les services de l’État sont débordés : la Guyane, porte béante de l’immigration illégale en Europe ». Le texte évoque une situation migratoire tendue dans le territoire, avançant plusieurs chiffres en lien avec la situation migratoire.

Ces affirmations, reprises par d’autres médias et commentées sur les réseaux sociaux, ont conduit, Antoine Poussier, le préfet de Guyane, a publié une réponse détaillée, estimant que l’article contenait « de multiples erreurs factuelles ».

Le préfet rectifie plusieurs chiffres et description de Saint-Laurent

Dans sa réponse datée du 8 novembre, le préfet indique avoir pris connaissance « avec une extrême attention » de l’article du Figaro. Antoine Poussier réagit concernant le titre « porte béante de l’immigration en Europe ». Un titre jugé par le représentant de l’Etat : « sensationnaliste ». Il commence par rappeler que la Guyane se situe en Amérique du Sud et que les étrangers en situation irrégulière « ne sont évidemment pas autorisés à quitter Cayenne en avion pour rejoindre Paris ».

Pourtant, on entend souvent dire que « la Guyane, c’est l’Europe ». Et si c’était peut-être ce que sous-entendait Le Figaro.

Concernant l’Aide Médicale d’État, Antoine Poussier dément les chiffres avancés : la dépense en 2024 s’élèverait à 85 millions d’euros, et non à 1,4 milliard, pour un peu moins de 31 000 bénéficiaires. Il ajoute que la tendance est à la baisse depuis 2022, avec une diminution d’environ 25 % sur trois ans. L’écart semble effectivement très important.

Le préfet corrige également le nombre de naissances : 6 600 en 2024, et non « entre 7 000 et 8 000 » comme indiqué. La croissance démographique ralentit, précise-t-il, sous l’effet d’un taux de natalité en baisse et d’un solde migratoire négatif depuis 2018

Cette fois, l'écart entre les données de la préfecture et du Figaro n’est pas très significative. Malgré la différence des chiffres sur quelques centaines de naissance, la Guyane demeure l’un des départements français dont la natalité est très élevé.

S’agissant des flux migratoires, il affirme que les arrivées de demandeurs d’asile afghans, marocains et syriens passent par le Brésil, et non par le Suriname comme l’indique Le Figaro, et que leur nombre a diminué de moitié en 2024. Quant aux Cubains, ils traverseraient la Guyane en provenance du Suriname pour se rendre vers le Brésil, et non l’inverse.

Saint-Laurent du Maroni - rive du Maroni - La Charbonnière / © Radio Télé Péyi 

Au-delà des chiffres, le préfet conteste également la tonalité du reportage. Il juge « extrêmement dépréciative » la description de Saint-Laurent du Maroni faite dans l’article, où la ville est présentée comme sale, délabrée et désorganisée. Antoine Poussier rappelle au contraire le dynamisme de cette commune frontalière, marquée par une forte croissance urbaine et une population jeune : « Vous n’avez pas ressenti la vitalité d’une jeunesse en uniforme scolaire qui remplit chaque jour les rues à la fin des classes », écrit-il, avant d’évoquer d'un ton enchanteur « le spectacle grandiose du Maroni au crépuscule ». 

Une réaction qui relance le débat sur la représentation de la Guyane

Cette réponse officielle et rare souligne le décalage persistant entre la perception nationale et la réalité locale du territoire. Malgré les approximations dommageables, Le Figaro permet tout de même d’attirer l’attention sur les difficultés migratoires et sociales de la Guyane.

De son côté, la communication préfectorale, bien que précise, s’inscrit dans une logique de défense institutionnelle et de valorisation du territoire. Elle ne suffit pas non plus à rendre compte des réalités du terrain : pression démographique, manque de moyens, de logement, habitation illégale et insalubre, lenteur administrative, insalubrité des camps de réfugiers, insertion professionnelle difficile… Autant d’enjeux que ni les vraies statistiques, ni l’article ne résument complètement.

Cette controverse rappelle enfin qu’en matière d’information, la Guyane mérite un traitement plus juste, plus documenté et plus humain. Entre les excès d’un journal national en quête de titres percutants et la défense d’un préfet soucieux des résultats de ses actions, il reste à proposer une image de la Guyane telle qu’elle est : complexe, vivante, nuancée et bien plus que la caricature qu’on lui prête.

Liens de l'article du Figaro

Liens communiqué du préfet